Contre l’essoufflement démocratique, la coopération au service de la ville

Publié le 4 décembre 2025

Laurence Ruffin, qui conduit la liste d’union de la gauche écologiste et citoyenne à Grenoble et devrait bientôt être la première femme à être maire de la ville, propose de trouver dans « le municipalisme coopératif » une alternative à l’essoufflement démocratique. Cet essoufflement est accéléré par les politiques gouvernementales qui malmènent les collectivités locales depuis des années.

Le 28 novembre 2025, Laurence Ruffin a produit, dans une note de 14 pages, éditée par la fondation Jean Jaurès, une réflexion à ce sujet moment de son parcours où elle quitte la vice-présidence de la Confédération Générale des Scop, pour se consacrer à la campagne électorale à Grenoble. Elle dessine du même coup la nouvelle politique à mettre en place à la métropole.

Le municipalisme municipal dit-elle dessinerait les contours d’un nouvel imaginaire municipal qui restituerait la ville à ses habitants et protègerait les biens communs.

Voici quelques extraits de cette note :

« Alors que les inégalités se creusent et accroissent les besoins de justice sociale et de redistribution, de nouvelles tensions financières apparaissent : les dépenses de santé et de dépendance augmentent avec le vieillissement démographique, tandis que le dérèglement climatique place les communes en première ligne face aux crises et au financement de la transition.

Dans ce contexte, les projets libéraux – de privatisation et de logique de marché – et réactionnaires – de reculs des droits, de désignation de boucs émissaires et d’inaction écologique – gagnent du terrain. 

Face à eux, nos communes peuvent pourtant incarner un nouvel espoir. L’échelon local est celui où nous devons trouver le courage politique de défendre les citoyens face aux chocs, et de transformer en profondeur nos villes et villages pour préparer les transitions démographiques, sociales et écologiques devant nous.

La question majeure, pour les futurs exécutifs, est de savoir comment incarner cette double ambition –protéger et inventer – dans des vents si contraires.

Nous proposons pour cela d’élargir l’imaginaire politique associé à la cité. Celui-ci ne peut se résumer à un ensemble d’infrastructures et à des élus gestionnaires. Notre horizon n’est ni celui d’une gestion à la startup, ni celui d’un dispositif autoritaire et de contrôle.

La politique locale doit se donner une ambition : répondre aux besoins de la population et créer les conditions d’une vie collective épanouissante. Nous devons porter l’idéal large d’une cité où les habitants trouvent de la joie dans leur quotidien, de la fierté dans leur quartier et du bonheur à y vivre ensemble. Un rôle d’autant plus crucial que nos communes demeurent, sondage après sondage, l’échelon de gouvernance le plus légitime aux yeux des citoyennes et citoyens…

La coopération est un puissant imaginaire et un fondement politique intéressant. Elle offre un contre-récit puissant au mythe de la compétition entre tous et de la survie du plus fort, biologiquement infondé : dans le monde du vivant, l’entraide, bien plus répandue, permet à davantage d’individus de survivre plus longtemps que la compétition. Une vérité générale qui s’applique également aux humains…

Nous proposons de tirer toutes les conséquences politiques du fait avéré que les êtres humains sont des espèces coopératives, et de le mettre au service d’une nouvelle organisation de nos villes, de nos villages, comme certains l’expérimentent depuis des décennies dans d’autres types d’organisations…

La coopération, au-delà d’une idée générale et de grands principes, a produit ses succès grâce à la mise en œuvre des pratiques précises, documentées. Elles méritent d’être examinées et confrontées à une gestion municipale « classique » :

  • apprendre à coopérer : la coopération n’est pas innée, elle s’apprend. Les coopératives investissent dans la formation : prise de décision collective, lecture d’un compte de résultat… Peu à peu, la coopération devient une véritable culture commune, et non une seule méthode de travail. Appliqué à une commune, ce principe signifierait qu’on ne peut pas imaginer de vraie participation sans formation des citoyens et des élus ;
  • partager l’information en toute transparence : la coopération suppose une connaissance partagée. Résultats, perspectives, difficultés ou encore salaires sont accessibles à l’ensemble des associés-salariés. Cette transparence nourrit la confiance et permet une participation éclairée aux décisions. Pour une commune, cela signifierait favoriser la transparence et l’accès à une information compréhensible ;
  • décider collectivement : les coopératives affirment un principe : une décision est meilleure lorsqu’elle est prise collectivement. Elles déploient des espaces concrets de délibération : groupes de travail, commissions réunissant salariés, usagers et élus, ou encore temps collectifs consacrés au débat et à l’arbitrage. La délibération est continue, au-delà des échéances de vote. Cela signifierait pour une commune, par exemple, intégrer les espaces de collaboration du quotidien avec les habitants, les élus et les organisations (associations…) ;
  • décentraliser : les décisions sont prises au niveau le plus proche du terrain, par celles et ceux qui les mettent en œuvre. Pour une commune, cela signifierait ne pas seulement consulter, mais aussi déléguer et prendre la décision avec les personnes concernées ;
  • expérimenter, ajuster et définir des règles du jeu : la coopération n’est pas un modèle figé. Elle s’enrichit d’expérimentations : tirages au sort, votes majoritaires, nouvelles formes d’assemblées… L’essentiel est d’observer, d’évaluer, puis d’ajuster les pratiques au fil des réussites ou des échecs. Pour une commune, cela signifie se donner le droit à l’expérimentation, à l’erreur, à l’invention…

Coopérer avec l’intercommunalité et plus largement avec le territoire

Les compétences structurantes – mobilités, logement, aménagement, développement économique, transition énergétique – ont été transférées aux métropoles et autres intercommunalités, mais les relations ville-intercommunalité sont trop souvent marquées par la méfiance ou l’indifférence, dès lors qu’une même force politique ne domine pas politiquement les deux espaces. À Grenoble, les relations notoirement mauvaises ces dernières années entre ville et métropole, ainsi que des visions politiques divergentes et la concurrence entre les communes, ont mis notre territoire presque à l’arrêt et ont directement nui aux habitants sur l’ensemble du mandat écoulé.

Les défis actuels exigent pourtant une gestion intégrée et solidaire du territoire. Il y a une nécessité de coopérer avec les communes voisines : politiques de logement et de mobilité sont liées, la pollution ou les inégalités ne peuvent être combattues à l’échelle d’un seul quartier. La coopération avec l’échelon intercommunal doit permettre des services publics plus lisibles et accessibles, et une meilleure mutualisation des moyens…

L’intercommunalité ne doit pas se limiter à un espace technique : elle doit devenir un espace politique et démocratique, capable de construire des coalitions intercommunales et d’impulser une vision partagée et ambitieuse pour le territoire, tout en respectant les communes. 

À Grenoble, nous devons construire de manière coopérative la gouvernance métropolitaine de demain, mettant le projet du territoire au service de ses habitantes et habitants, en lien avec les territoires voisins et en dialogue permanent avec les équipes municipales. Un établissement de coopération intercommunal doit avoir le rôle de chef d’orchestre du projet de territoire, ne faisant pas vivre la concurrence entre les communes, mais travaillant à leurs complémentarités, à leurs spécificités, que ce soient des spécificités géographiques ou sociales, et Grenoble, cœur de notre territoire, doit y jouer un rôle spécifique…Notre municipalisme coopératif veut privilégier le lien plutôt que le contrôle, le sens plutôt que la seule efficacité. La coopération, la participation citoyenne et la gouvernance partagée peuvent devenir des pratiques capables de transformer les villes en espaces justes et vivants. Cet horizon, souhaitons que des milliers de communes en France l’accueillent, l’expérimentent et le portent à leur tour, comme nous chercherons à le faire à Grenoble. En privilégiant les assemblées plutôt que les algorithmes, les solidarités plutôt que les solitudes, le partage plutôt que la compétition. »

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